En début de mois, après seulement 48 heures, oui SEULEMENT, de tapage médiatique et d’indignation autour de ce qui s’est passé sur le plateau de La Télé d’Ici Vacances, une suspension et deux condamnations, certaines personnes trouvaient que celleux qui continuaient et continuent de réclamer justice sont dans l’EXAGÉRATION !
Intéressant…
Décortiquons cela pour voir où cela va nous mener.
Par définition exagérer c’est :
1- Parler de (quelque chose) en présentant comme plus grand, plus important que dans la réalité.
2- Grossir, accentuer en donnant un caractère (taille, proportion, intensité, etc.) qui dépasse la normale.
Ces personnes estiment que celleux qui continuent de réclamer justice veulent faire paraître cette affaire plus grande, plus importante que ce qu’elle est en réalité.
« C’était une erreur, ces intentions étaient bonnes mais il a juste manqué de professionnalisme. » Disent-elles.
Ces personnes estiment que nous, qui nous indignons toujours, voulons donner à cette affaire un caractère qui dépasse la normale.
« Nous voyons déjà ce genre de chose tout le temps, qu’est-ce qui vous choque ? Vous aviez juste une dent contre le monsieur. » Disent-ils.
Quelle est donc cette « normale » qu’iels estiment que nous dépassons ?
Pour rappel, le lundi 30 août lorsque cette scène macabre se déroulait et que des voix se sont élevés pour gronder tel le tonnerre contre la Nouvelle Chaîne Ivoirienne (NCI), monsieur Yves De M’Bella et son « ex »-violeur d’invité sans oublier madame Emma Lohoues ainsi que le public présent sur le plateau, les mêmes personnes disaient déjà qu’on exagérait !
Une suppression de la vidéo a été demandé, elles ont dit :
« La NCI a supprimé la vidéo, vous voulez quoi de plus ? »
Des excuses ont été demandé, elles ont dit :
« La NCI s’est excusé, vous voulez quoi de plus ? »
« Yves De M’Bella s’est excusé, vous voulez quoi de plus ? »
D’autres sanctions plus sévères ont été demandé :
« Yves De M’Bella a été suspendu, vous voulez quoi de plus ? »
« L’émission a été arrêté définitivement, vous voulez quoi de plus ? »
« Yves De M’Bella est en garde à vue, vous voulez quoi de plus ? »
« Yves De M’Bella a été condamné, vous voulez quoi de plus ? »
En réalité, ces personnes estiment que nous ne méritons rien, que les femmes ne méritent rien.
Car depuis le premier cri d’indignation à propos de cette émission et son animateur, ces personnes trouvaient déjà qu’on exagérait, elles estimaient déjà que nous voulions faire paraître cette affaire « plus importante qu’elle est en réalité ».
Pour eux cette affaire n’a pas d’importance, les réactions sont disproportionnées…
Elles nous accusent même d’avoir été silencieux face à d’autres problèmes tel que l’augmentation des prix des denrées alimentaires qui selon eux touche tout le monde et par tout le monde ils entendent « pas seulement les femmes. »
Parce qu’il s’agit de ça en réalité, il s’agit des femmes, de leur dignité, de leurs droits, du respect qui leur est dû et puisque pour elleux les femmes ne méritent pas plus de considération que ce qu’elles ont déjà, nos réactions face à cette affaire sont exagérées voir même illégitime.
Et c’est là tout le fond du problème : la considération des femmes dans la société.
À une heure de grande écoute, sur une chaîne de télé suivie par des millions de personnes, un animateur connu et reconnu se permet de rigoler du viol, de parler avec légèreté du viol, de banaliser les maux de milliards de femmes, les gens trouvent que l’EXAGÉRATION vient de nos réactions et iels veulent prétendre respecter les femmes !
S’iels avaient de la considération pour les femmes, iels ne trouveraient jamais que nos réactions sont exagérées, au contraire iels trouveraient que nous n’en faisons pas suffisamment, iels trouveraient que les femmes sont dans leur droit et qu’il faut aller encore plus loin pour que plus jamais une telle action se reproduise en Côte d’Ivoire ou ailleurs dans le monde.
Mais iels nous ont montré que nous ne sommes pas dans cette société utopique où les droits des femmes sont des droits humains…
QUAND LE BUZZ VA FINIR, NE VENEZ PLUS DEMANDER AUX FÉMINISTES CONTRE QUOI ELLES LUTTENT !!!
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D’ailleurs en parlant de droits humains, même eux sont inexistants dans nos sociétés…
En effet, ce qui s’est passé sur le plateau de La Télé d’Ici Vacances et les réactions qui ont suivi sont une belle illustration de notre société de manière globale, c’est la norme, la fameuse « normale » à ne pas dépasser.
Nos sociétés baignent dans un chaos total où les autorités piétinent sans ménagement les droits des citoyens qui observent impuissants. Le peuple a tellement l’habitude de se faire marcher dessus qu’il est devenu normal pour lui d’être traité de façon injuste, le peuple pense qu’il mérite cette injustice.
« C’est seulement par la chicote qu’on peut éduquer les Noirs » Disent-ils
« Ce qu’il nous faut pour être développé c’est un vrai dictateur. »
« La démocratie ce n’est pas pour les africains, nous n’obéissons qu’à la violence. »
En vrai
Quelle est la différence entre :
– la femme mariée qui accepte l’infidélité, parce qu’elle estime que c’est dans la nature de l’homme d’être insatiable, à condition que ce dernier la respecte en la trompant en cachette et accompli ses devoirs d’époux.
Et
– le jeune diplômé qui accepte que le président viol la constitution, parce qu’il estime que les politiciens sont des menteurs, à condition qu’il maintienne la paix, construise quelques routes et ponts, et surtout lui permet d’avoir un emploi.
Pour ma part il n’y a aucune différence entre ces deux entités extrêmement distinctes en tout point, pour la simple raison qu’il s’agit là de deux personnes écrasées par le poids de la tyrannie socialo-politique, s’oubliant elles-mêmes et plutôt que de rechercher le meilleur, elles ont décidé de se contenter du peu, du médiocre.
Oui, l’époux infidèle est un homme médiocre et le président dictateur est un politicien médiocre.
Regardez bien notre société, observez là, et constatez par vous-mêmes à quel point nous sommes très peu exigeants.
Nous valorisons la médiocrité dans toutes les sphères de la société, nous supportons tout ce que les personnes que l’on considère comme ayant de l’autorité nous font subir, sans pouvoir mener une quelconque rébellion.
De la même façon les parents amis et connaissances demandent au jeune brillant rempli de rêve et d’espoir d’éviter de parler politique, d’éviter de critiquer les politiques, c’est comme ça on demande à la femme de se taire sur les abus qu’elle subit de la part de son époux ou des hommes en général.
Le silence, c’est notre seul droit à tous.
Nous n’avons pas droit à la rébellion, nous devons nous réjouir lorsque le président fait bien son travail et prier pour lui lorsqu’il deconne.
C’est ainsi que la femme doit se réjouir d’obtenir l’argent de décembre de son chéri et prier pour lui lorsqu’il est infidèle.
Le peuple ne peut pas et ne doit pas penser à obtenir mieux que ce qu’on lui donne déjà, la femme aussi.
Pour moi tout est lié, absolument tout est lié, sans liberté sociale, pas de liberté politique.
Et dans cette pyramide sociale d’injustice, la femme est le carré qui réceptionne tout.
C’est pourquoi mon combat social, culturel et politique demeure tourné vers la promotion de l’égalité des sexes.
L’apprentissage de la rébellion, du refus des abus commencent au sein des familles, les enfants apprennent à tolérer les injustices en voyant leurs pères traités injustement leurs mères et lorsqu’ils vivent l’injustice à l’extérieur de la maison, ils la trouvent acceptable.
Sérieusement, qu’est-ce qu’un homme qui bat sa femme ou une femme qui viol son neveu peut apprendre à ces derniers au sujet de la rébellion, du refus des diktats !?
Qu’est-ce qu’une femme ou un homme violé.e a de multiples reprises sans obtenir justice peut espérer de la justice lorsqu’un ministre détourne les fonds publics !?
Je ne dis pas qu’en luttant pour l’égalité des sexes, nous allons éradiquer toutes les injustices sociopolitiques mais nous allons apprendre aux gens à ne pas tolérer l’injustice comme c’est le cas aujourd’hui.
Des gens qui suivent avec ardeur Kemi Seba sur internet et dans les rues de villes africaines mais à la fin du meeting, ils rentrent chez eux et frappent leurs épouses, peuvent véritablement faire quoi contre la dictature ? Ils ont le germe du totalitarisme en eux.
Il n’y aura pas de libération de l’Afrique sans la libération de toutes les personnes marginalisées, plus précisément sans la libération des femmes.
Et si l’équilibre de vos familles reposent sur l’exploitation des femmes, nous viendrons les détruire les unes après les autres.
J’invite donc les détracteurs du féminisme africain à prendre exemple sur les femmes, les féministes africaines qui chaque jour « EXAGERENT » afin que plus aucun mal ne soit fait aux femmes. Il est hors de question de se rebeller avec le sourire, il est hors de question de tendre l’autre joue, il est hors de question d’attendre que la situation s’arrange toute seule. Il est temps de penser la révolution et de panser nos blessures.
Je remercie toutes les vaillantes femmes africaines qui m’inspirent et me donner l’envie et l’opportunité de participer depuis ma modeste position à la construction d’une Afrique dont nous serons tous fier.